Sur des bases individuelles et vu l'importance de lutter contre la violence
faite aux femmes, nous lancons un appel à toutes les femmes intéressées à
relancer la mobilisation du 21 septembre, journée officielle contre la violence
faite aux femmes, sous le thème LA RUE LA NUIT FEMMES SANS PEUR. Ça ne s'est pas
produit à Québec depuis quelques années mais à Montréal les femmes s'organisent
encore cette année.
Ralliement le vendredi 21 septembre 21h Bibliothèque Gabrielle-Roy
(sachant bien que des hommes sont solidaires à la cause, l'objectif étant de
permettre les femmes d'occuper la rue, la nuit sans bodygard face aux potentiels
agresseurs, l'activité se déroule en non-mixité mais un soutien technique,
diffusion, affichage, sera grandement apprécié).
Petit brin de culture: 21 septembre, équinoxe, égalité jour et nuit.
**************************************************************
Jane Doe: La Justice Pour Les Femmes?
par Sue Ferguson
Le Comité national d’action sur le statut de la femme signale qu’une femme
canadienne sur quatre sera victime d’une agression sexuelle à un moment donné de
sa vie, ce risque augmentant de manière dramatique pour les femmes de couleur,
les femmes handicapées et les femmes autochtones. Bien que les femmes
connaissent leur agresseur dans la majorité des cas, 20 pour cent des viols sont
perpétrés par des hommes inconnus de leur victime.
Ces statistiques cependant n’ont pas été assez impressionnantes pour persuader
les flics de Toronto de rendre publique la description d’un homme qui avait
violé quatre femmes dans le quartier Church/Wellesley du centre-ville, vers le
milieu des années 1980. La police était au courant de l’existence de cet
agresseur en série, de sa préférence pour les femmes célibataires blanches, aux
cheveux bruns, vivant seules, ainsi que son habitude d’entrer chez la femme, la
nuit, par le balcon de l’appartement, mais ils ont délibérément gardé cette
information secrète. Leur logique? Si les femmes étaient au courant, elles
paniqueraient et l’agresseur saurait qu’on pourrait l’identifier. Sachant cela,
il pourrait ne plus jamais agresser de femmes dans ce quartier. Et s’il mettait
un terme à ses agressions, les policiers ne pourraient pas l’arrêter. Alors vous
voyez, il était dans le meilleur intérêt des femmes de ne pas être informées. Ne
vous inquiétez pas, mes belles, faites confiance aux hommes en bleu qui sont à
votre service et vous protègent.
Or, les hommes en bleu n’étaient nulle part à l’horizon pendant l’été de 1986,
quand l’«agresseur du balcon» a attaqué Jane Doe dans son lit, à la pointe du
couteau. Apprenant par la suite les méthodes d’enquête utilisées, Jane a intenté
un procès aux policiers. Après une bataille juridique de 12 ans, le juge les a
rappelés à l’ordre, déclarant qu’ils avaient violé les droits de Jane Doe selon
la Charte des droits et libertés, en omettant de l’avertir des activités de
l’agresseur. Le juge a également condamné les policiers pour avoir utilisé les
femmes dans le but de faire tomber l’agresseur dans le piège, et pour leurs
attitudes sexistes concernant le viol et les victimes de viol. Après une longue
hésitation, le chef de la police, David Boothby, s’est excusé (comme exigé par
le Conseil municipal) et après une autre attente, a décidé de ne pas appeler de
la décision.
Cette victoire provoque des sentiments mitigés. Une fois de plus, le système de
«justice» n’a pas seulement abandonné les femmes, il a favorisé les conditions
mêmes qui les rendent vulnérables aux agressions sexuelles et à d’autres formes
d’agression. Quand le viol a fait pour la première fois son apparition dans les
livres de droit, il était placé dans la catégorie des infractions contre les
biens. Quelqu’un avait été lésé, mais ce n’était pas la femme. C’était son mari
ou son père qui était la victime parce qu’un autre homme avait endommagé ses
biens. Et, jusqu’en 1983, il était légalement impossible d’être violée par son
mari. Heureusement, grâce à la pression exercée par le mouvement féministe, les
lois ont changé.
Mais les attitudes et la pratique sont beaucoup plus difficiles à changer.
Depuis le début des années 1970, quand les féministes ont commencé de lancer le
mouvement des refuges, pour fournir des services aux femmes violées, elles ont
avancé que le viol n’est pas une activité sexuelle. Le système juridique n’a pas
entendu le message. Au mois de février dernier, par exemple, un juge d’Edmonton
a confirmé l’acquittement d’un homme accusé d’agression sexuelle, remarquant que
la femme agressée (qui portait des shorts et un t-shirt par une journée chaude
de juin) «ne s’est pas présentée [à l’accusé] en bonnet et crinoline». Par
conséquent, a-t-il écrit, les actions de l’accusé ont été «bien moins
criminelles qu’hormonales».
Les mêmes attitudes sont évidentes parmi les policiers. Ils font aussi preuve du
sexisme agressif également présent dans les forces armées, comme l’ont démontré
de nouveau de récentes révélations par des femmes soldats. Les policiers de
Toronto qui ont procédé à l’enquête sur les viols commis par l’«agresseur du
balcon» n’ont pas ressenti le besoin urgent de communiquer cette information au
public parce que, selon les mots d’un policier, il s’agissait d’un «agresseur
gentilhomme». C’est-à-dire qu’il s’agissait simplement de viol, et non
d’agression violente. Et la preuve de cette absence de violence? Un bol de
croustilles placé près du lit n’a pas été renversé!
Il est facile de trouver des exemples de comportement sexiste et offensant dans
le système juridique. Mais il est difficile de combattre ce type d’attitude. La
bataille juridique de Jane Doe est remarquable, mais il est peu probable qu’elle
ait réellement un impact sur les pratiques policières. Les féministes, les jurés
lors d’une enquête, les politiciens progressistes, etc., font régulièrement aux
policiers des recommandations dans ce sens, mais ceux--ci traitent généralement
avec mépris une telle interférence venant de civils.
La solution gouvernementale? Étudier la violence contre les femmes. Au début des
années 1990, le gouvernement fédéral a dépensé 10 millions de dollars pour la
production d’un rapport d’experts de haut profil, qui ont confirmé ce que tout
le monde savait déjà. En même temps, il diminuait les subsides accordés aux
refuges et aux services de counseling pour les femmes, coupait dans les
paiements de transfert social et rendait plus difficile l’admissibilité à
l’assurance-chômage, rendant ainsi les femmes encore plus vulnérables à la
violence au foyer et ailleurs.
Ce sont les femmes elles-mêmes qui, collectivement, ont formulé la stratégie la
plus prometteuse. En 1980, en réaction à un viol dans la communauté des plages
de Toronto, des femmes ont organisé la première marche «La rue la nuit Femmes
sans peur». Cette marche, au cours de laquelle les femmes défilent dans les
rues, la nuit, vise à attirer l’attention sur la réalité de la violence contre
les femmes et à encourager les femmes à sentir qu’elles ont un certain contrôle
dans leur communauté. Bien que cet événement soit restreint à une nuit par
année, la solidarité et le sens de la prise en charge qui l’inspirent peuvent et
doivent être étendus à d’autres combats, surtout, actuellement, aux combats
contre les coupures budgétaires aux services sociaux dont dépendent tant de
femmes.
Sue Ferguson travaille activement à lutter contre l’agenda du gouvernement
Harris concernant les écoles publiques et est membre du Nouveau groupe
socialiste.